L’Empereur est un Monarque tout puissant, mais qui n’use de sa puissance
qu’en père et mère des peuples ; il touche aux règnes de Yao et de Chun par sa manière de régner.
Hiao King — Le Livre de la Piété Filiale 25
(26) Un fils est la chair de la chair, les os des os de ses parents, selon l’expression du Li ki, il est une portion de leur substance, c’est leur sang qui coule dans ses veines ; aussi les droits
qu’ils ont sur lui sont immenses : droits qui dérivant de son existence même et tenant à tout
son être, ne peuvent jamais ni s’é teindre ni s’affaiblir ; ils sont les premiers, les plus directs, les plus absolus et les plus sacrés qu’il puisse y avoir ; ils doivent donc nécessairement
l’emporter sur tous les au tres. Et comme ils ont été portés à leur comble par les soins que les
parents ont donnés à son enfance, son éducation et à son établissement, il n’a rien qui ne leur
appartienne et ne doive retourner à eux par sa Piété Filiale. Autant la qualité de citoyen et de
sujet est postérieure à celle de fils, autant ses devoirs envers eux sont supérieurs à tous les
autres. Les lois de l’État le reconnaissent, et ont si peu osé déroger à cet égard à celles de la
nature, qu’elles lui sacrifient le bien public sans balancer, dans tout ce qui ne choque pas
directement d’autres lois de la nature encore plus essentielles, à raison de leur universalité.
Bien plus, elles les respectent jusqu’à détourner le glai ve de la justice de dessus un fils digne
de mort par les crimes, mais l’unique appui, l’unique ressource de la vieillesse de son père et
de sa mère.
(27) Confucius a dit plus haut :
« Qui aime ses parents, ne peut haïr personne ;
il revient ici à cette maxime fondamentale par celle-ci :
« Qui n’aime pas ses parents, ne peut aimer personne.
Les sages n’ont pas besoin qu’on leur montre la correspondance, ou plutôt l’identité de ces
deux maximes ; mais il est essentiel d’insister pour le vulgaire sur la démonstration. de la
seconde, parce qu’elle tient à tous les prin cipes de la morale. Or, cette démonstration se réduit
à faire observer que l’amour filial étant le premier, le plus juste, le plus natu rel, le plus sacré
et le plus consolant de tous les amours, il est aussi inconcevable qu’on puisse aimer des
étrangers et ne pas aimer un père et une mère, qu’il est incon cevable que la branche de l’arbre
soit verdoyante et chargée de fruits, tandis que le tronc est aride, sec et sans vie.
Lu-tchi a bien eu raison de dire :
« Qui ose soutenir qu’on peut avoir un cœur tendre et généreux, une âme noble
et généreuse sans aimer ses parents est un fou qu’il faut lier, ou un monstre qu’il
faut étouffer.
Le gouvernement qui déroge en tant de choses aux principes de la morale, parce qu’il a plus
d’égard à ce que font les hommes qu’à ce qu’ils peu vent ou doivent faire, le gouvernement
qui a fermé les yeux tant de fois sur les défauts des gens en place et même sur leurs vices, en
faveur de leurs talents, de leur expérience et de leurs services, le gouvernement, dis-je, n’a
jamais osé ni dissimuler son aversion pour ceux qui n’aimaient pas et ne re spectaient pas leurs
parents, ni compter un jour sur leur fidélité ; il a tout risqué, tout sacrifié pour ne pas
s’exposer à la noirceur de leur âme. Les Annales lui ont appris depuis bien des siècles que, qui
est mauvais fils, ne saurait être ni bon citoyen ni sujet fidèle.
« C’est trahir le Prince et la patrie, disait le célèbre Ouei-tzeu, que de confier la
moindre autorité à qui n’aime pas son père et sa mère.
Il n’y a pas jusqu’aux faiseurs de romans et de pièces de théâtre qui, pour ne pas choqu er la
vraisemblance, ont toujours l’attention de donner une vraie Piété Filiale aux personnages à qui
ils veulent faire faire de grandes choses, et d’en ôter tout sentiment à ceux qu’ils peignent
d’abord en beau et qu’ils veulent conduire à une scélératess e consommée.
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